Bon, c’est pas très glamour, mais il faut bien qu’il y ait des inconvénients au mode de vie polyamoureux, parce que sinon, quand même, c’est que les dés étaient truqués quand même.
Bref.
Pendant très longtemps, il a été fortement recommandé de limiter le nombre de partenaires sexuels parce que la probabilité de se refiler une infection quelconque entre deux partenaires sexuels est très forte.
Alors pendant longtemps, quand on me disait ça, je pensais au sida.
C’est important, parce que c’est quand même une maladie extrêmement mortelle dont on ne guérit pas. Et pour ça, il faut faire super gaffe. Sauf que le virus du sida est assez cool côté mode de transmission (heureusement, vu sa dangerosité) il lui faut du sang ou du fluide humain, et il ne survit pas très longtemps hors de son hôte. Donc, on protège les pénétrations, on partage pas les brosses à dents, on se teste régulièrement quand même, et on reste globalement hors de danger.
Pour info, j’ai appris ça lundi dernier, en cas de craquage de capote - c’est pas si rare que ça, ça a fini par m’arriver -, en cas de risque important, on peut filer aux urgences, et recevoir une trithérapie préventive, avec une bonne chance que le VIH ne s’installe pas, pourvu qu’on agisse dans les 48h, et encore mieux, dans les 8h. Donc voilà. Reprenons
Depuis que je vais deux fois par an dans un centre de santé sexuelle pour faire quelques dépistages, j’en ai appris un peu plus sur les IST. Je me suis fait vacciné contre l’hépatite B (parce que ce virus-là, d’une part, se transmet bien lors des fellations, d’autres part, est particulière apte à vivre longtemps sur un plan de table, et enfin, parce que le vaccin existe, qu’il est efficace, et que ce serait quand même très idiot de s’exposer inutilement), je vais faire l’hépatite A, aussi, très probablement, après. J’ai appris que les Chlamydia étaient une saloperie souvent silencieuse qui bouffe les trompes des femmes les rendant stériles. Bref, mon éventail de maladie vénériennes que je surveillais via ces check up avait pas mal augmenté. Ma culture générale aussi.
Et puis, il y a un peu moins d’un mois, Bob me dit ça :
« Je viens de recevoir un sms de Babette qui nous dit que Léon l’a prévenu que la triade et leur fille avaient chopé la gale et se traitent. C’est contagieux, mais le médecin de Léon dit que si on se lave tous les jours, la gale ne s’installe pas. C’était juste pour vous prévenir »
Je me dit c’est bon. C’est chouette, les réseaux poly. On est au courant, c’est le plus important, ça permet, si l’un d’entre nous commence à se gratter, de traquer tout de suite la gale et pas de se perdre dans les diagnostiques d’eczéma.
La compagne de Léon s’est traitée préventivement. On pense tous que c’est bien. D’autant que c’est le discours dominant des médecins.
Sauf quand, trois semaines plus tard, Babette a des démangeaisons à l’empêcher de dormir, et que son médecin confirme l’infection.
Là, il va falloir que je m’y colle : qu’est-ce que c’est que la gale, comme ça s’attrape, comment ça se diagnostique, comment ça se traite.
Et je découvre une saloperie :
La gale est causée par un parasite, un acarien, c’est beaucoup plus petit qu’un pou, mais sinon c’est du même ordre.
Ça s’installe dans la peau, où ça creuse des sillons pour pondre. Au bout de trois à 6 semaines, le corps commence à trouver que la salive et les déjections de la bestiole sont pas safe, et on commence à avoir envie de se gratter. Mais c’est un peu beaucoup trop tard. A ce moment là, les premiers œufs ont eu largement le temps de grandir, se faire féconder, et commencer à se balader de peau à peau pour trouver un endroit chouette pour s’installer, un endroit sur le corps où on est ou sur corps voisin, là, celui qui est toujours en contact parce que ces deux là sont tellement amoureux qu’il est difficile de les décoller quand ils sont ensemble.
Bref, si ça se trouve, Léon n’a jamais hébergé de sarcopte, peut être juste fait le transfert jusqu’à ce qu’il arrive sur Babette et trouve cette peau là vachement plus appétissante.
C’est une infection sexuellement transmissible qui n’a pas besoin d’acte sexuel pour se transmettre.
C’est une infection silencieuse, difficile à diagnostiquer (tout au plus une dizaine d’individus sur chaque hôte en cas de gale commune), et quand on commence à se gratter, c’est trop tard, on peut rien faire d’autre que remonter 6 semaines en arrière et prévenir toutes les personnes avec qui on a été un peu trop souvent, un peu trop longtemps en contact, les prévenir pour qu’elles se traitent préventivement.
Comment ça se traite ? Il faut tuer les parasites du corps (comme pour les poux, y’a des trucs qui s’avalent, mais on peut aussi se badigeonner d’un acaricide). Et puis il faut en profiter pour nettoyer tout le linge de la maison, la literie, etc…
Pourquoi je raconte tout ça ?
Parce que c’est pas grave, parce qu’il n’y a pas de complication, pas même de grosses complications possible, mais que c’est quand même une IST que j’ai chopé par le réseau, et qui m’oblige à un traitement pas forcément très cool (même si, faut être honnête, le nettoyage de printemps chez moi, vu que ça faisait deux ans qu’il avait pas été fait, c’est pas du luxe)
Parce que ça remet en perceptive la notion de risque.
Du fait que oui, être proche des gens, ça veut dire, aussi, choper les infections qu’ils peuvent avoir. Et qu’avec un cas comme celui-là, avec des symptômes très tardifs, l’infection peut aller très loin dans le réseau avant que l’alerte ne soit levée.
Parce que ça pose des questions de prévention, de prudence, de comment on coupe les chaînes. Si le VIH entrait dans le réseau, combien de temps avant que l’un d’entre nous s’en rende compte ? combien de personnes potentiellement infectées ?
Et je grogne, parce que ça donne du poids à ceux qui disent "le préservatif partout tout le temps avec tout le monde", alors que justement, j’étais en train de songer à entrevoir comment envisager la confiance suffisante pour s’autoriser des rapports non protégés.
Parce que la confiance n’est pas transitive.
c’est pas parce que je fais confiance à A, qui aime B, qui fait confiance à C, que je peux faire confiance à C. Les co-amoureuses, passent encore, mais les partenaires de mes co-amoureux, non, c’est trop loin, je peux pas les connaître assez pour entretenir une relation de confiance…
Et je grogne, parce que le discours général reste quand même : « bah voilà, fallait pas coucher avec n’importe qui »
Parce que oui, malgré toute la confiance doublée d’un amour inconditionnel que j’éprouve pour Bob, malgré toute l’affection doublée d’une amitié scabreuse que je peux avoir pour Babette, malgré toute la sympathie que je peux avoir pour Léon et sa compagne, et malgré toute l’admiration et le respect que je peux avoir pour la Triade, bah, pour un parasite microscopique comme le sarcopte, c’est comme si j’avais couché avec eux, qui sont (actuellement) au 5ème degré.
Et qui l’ont été au premier, ne l’oublions pas quand même.
Bref.
J’espère que mon linge va sécher vite, que mon mal de crâne va passer, que je vais avoir du courage pour mes cartons.
Il est temps que je valide cet article et que je me décolle de cet écran.