Cendre

Cordes

mardi 24 mars 2015 à 18h22

Deux fois que j’ai envie de raconter ma vie au moineau, deux fois que je préfère traduire ça ici. Histoire de forcer sur l’impersonnel.

Donc, ce matin, vous raconter un peu la soirée d’hier...
Par ce que j’ai aucune raison de rester vanille ici.

« La compagnie Air Plan Chat espère que vous avez passé un agréable vol et souhaite vous revoir prochainement sur ses lignes. »

Deux vols.
Deux.

Une petite phrase, sur le débrief du premier, qui laisse entendre qu’on pourrait remettre ça. L’idée s’insinue dans mon cerveau. J’ai eu mal. Bien sûr. C’est la deuxième fois qu’il me décolle du sol. Mon propre poids dans les cordes, ça reste très très impressionnant. On se dit que les côtes ne vont pas tenir, que le tibia, ça fait décidément mal, que les mains sont moins irriguées. Mais j’ai donné le contrôle. Je garde le pouvoir de décision, mais je n’ai plus le contrôle. Et puis, cette confiance, dans leurs paroles, à tous deux (le deuxième n’est pas dans la pièce, mais je le sais présent, et près à intervenir si besoin était). Cette confiance qu’il est des douleurs qui peuvent s’apprivoiser.
« Si une position semble insupportable, attendre trente secondes »

Je précise le contexte de cette phrase : ce n’est pas du tout un conseil que l’on m’a donné, mais le discours rapporté de quelqu’un qui pratique les cordes et qui se l’applique à soi même. Ce genre de chose ne peut pas nous être demandé par l’extérieur, il faut l’accepter intimement en soi !

Alors apprivoiser. Forcer le sang à revenir. Séparer la perte d’irrigation du pincement du nerf radial (les cordes peuvent toujours se déplacer sur le nerf radial, faut juste les remettre à leur place parfois). S’installer dans la pose (comme au Yoga ! ), accepter l’inconfort.
Et partir.
A atterrissage, cette sensation que je commence à connaître aussi : la douleur qui s’arrête brutalement crée une explosion plus grande encore que son installation, qui somme toute a été progressive. Peau éraflée sur le tibia. Trois fois rien.

Je vais mettre un certain temps à revenir. à remettre la pièce en ordre. Vaguement conscience des tourtereaux qui se disent au revoir. Mon monde se réduit à mon gréeur qui m’enserre, protège de son corps ma surface désorientée par l’absence des cordes.
Il reprend le contrôle quand je le perds, jusqu’à m’indiquer comment respirer. Jusqu’à ce que cessent mes tremblements.

La prochaine fois, multiples points de suspensions.
L’idée continue de s’insinuer dans mon cerveau.

Et après tout, pourquoi pas y retourner ?
On prend un thé, je m’assure que la proposition est réelle, et optionnelle. Papotage à quatre. Que j’aime cette maison !
Le temps tourne. Il va falloir se décider. Mon gréeur est là, sa compagne est fidèle à elle-même (ça au moins, je prenais pas de risque avec elle d’une crise de jalousie ! ça non ! ! ). Je ne sais pas quand l’occasion se représentera. Et puis, deux, c’est mon standard aux Potains, même si je change de gréeur d’habitude.
Je vais donner une seule condition : il faut que je puisse tenir debout à minuit et demi.
Il sait déjà ce qu’il veut faire : ça rentre large.

Réglo, je savais que je pouvais lui faire confiance.
Non seulement pas un geste hors contexte (que j’aurais eu beaucoup de mal à gérer), mais surtout, alors que j’étais à finir de décompresser contre lui, l’esprit en cours de récupération, il m’annonce qu’il est minuit 5. On est très large. Et cela me transporte de joie (même si, en l’état, j’avais envie de prolonger encore et encore le plané...)

Que noter de plus.
Le poisson lui même ? Sa beauté, sa régularité, sa mise en tension, sa manipulation. La promesse que le tibia précédemment mis à contrition ne serait pas à nouveau sollicité : les multiples points.
L’acceptation du conseil précédent. Les positions insupportables qui le deviennent. La tête en bas. une clavicule douloureuse d’être libre qui s’apaisera en remettant de la tension dans les bras. fausse libérations des bras qui pourtant s’en apaisent indéniablement. (je commence à sentir les courbatures de mes abdos. )
L’atterrissage ? si différent du premier. Battements de cœur. plus proche et plus intime encore. la vue des marques comme récompense
Le débrief ? la sur-stimulation de la peau et toutes les terminaisons nerveuses. les attaches du pied. la réflexion sur le serrage, plus important au sol : en suspension, la gravité fait le reste, ça ne glisse pas. Le jeu de la peur, qui a le droit de paniquer. Déroulé d’une hypothétique situation catastrophe.

Je vais me rhabiller, le temps est compté, même si on est large. La miss va se coucher, m’embrasse.
Mon gréeur me prend une dernière fois dans ses bras, et me laisse partir, légèrement flottante encore.
(ce qui ne va pas m’empêcher d’agir avec un sang froid tout à fait approprié quand je vais me faire aborder)
Retour maison.
Transcendée.

Je suis arrivée douille douille, boiteuse et douillette. Je repars avec une confiance démente.
Et ce soir, courbatures et quelques raideur me rappellent l’aspect sportif de la chose.

Oh oui, je vais continuer.

J’aime trop ça ! !


Edit du 16 avril :
Je suis retournée aux Potains, le dimanche 5 avril.
Celui qui fut l’homme de ma vie : invitation acceptée mais absence probablement par somatisation.
Session debout avec ma grande,
Session soumise avec un semi-pro,
Session intime avec le grand John,

Que dire, rapidement, pour ne pas oublier.
La toile d’araignée trop rapidement défaite, mais bon, elle m’avait prévenu.
La question de la soumission. Il paraît qu’on te choisi pour ça ? dommage, pas moi. Il n’empêche. J’ai eu ce que je voulais : un harnais sûr, que je supporte jusqu’au bout, qui ne coince pas de nerf. j’ai eu des cordes tellement serrées qu’elle faisaient mal pareil en bas et en haut (enfin, presque). j’ai eu un rapport très pro : surtout dans l’entretient préalable et dans le debriefing.
Et j’ai eu la confirmation qu’avec une non-relation, c’est beaucoup moins planant.
Je reviendrais à mes gréeurs attitrés : ceux où j’ai plaisir à me poser contre eux, ma tête contre leur cuisses, leur poitrine. Où je les connais assez pour sentir leur plaisir, et comperser (pas seulement accepter leurs gestes, mais en jouir, c’est à dire m’abandonner à nos plaisirs mutuels)
Même au sol, comme fut ma troisième session, c’est meilleur ainsi.
Echanges partages.
J’aime cet ovni qui se confirme dans mes relations. épisodiquement fiable !

Et j’aime ma relation aux cordes…

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